Nous roulons vers Melbu, au fin sud de l’île Vesterålen. En face de nous se déroule les îles Lofoten où nous projetons de faire un saut en ferry. D’ailleurs, notre hôtel se situe dans un petit port de pêche, face au débarcadère du ferry qui relie les Vesterålen aux Lofoten. Au passage, le taxi passe devant des maisons typique du grand nord norvégien. On retombe sur des architectures proches de celles que je connais en Islande.
Arrivé à l’hôtel, nous avons des chambres cosy à côté du port de pêche. L’accueil est chaleureux, le jeune norvégienne qui est la réception s’occupe vraiment de savoir ce dont nous avons besoin. Nous déposons nos affaires, et nous allons au bac. Un bac vient de partir. On se renseigne sur le prochain départ et le prix des billets. 100 Nok (Norge Krone), soit environ 9,40 € ou 11,40 Sfr pour l’aller-retour par personne. Nous regardons le ferry prendre les voitures et partir !
Ces ferry sont des « roro« , car ils peuvent naviguer dans les deux sens et n’ont pas besoin de faire demi-tour pour aborder l’autre quai. L’étrave peut se lever des deux côtés, et les véhicules ressortent en marche avant sans avoir à faire de manœuvres.
Nous allons visiter le petit village de pêcheur. En dehors de la route qui mène au débarcadère, les autres rues sont peu larges et goudronnées de manière grossière. Il y a une banque et un distributeur de billets, des supermarchés ouverts jusqu’à 22h00, un bar, quelques commerces. L’hôtel où nous sommes fait également restaurant, bar, et salle de conférence.
Un bon bricoleur a construit sa villa sur une barge amarrée dans une anse près du port. L’idée est assez saugrenue, compte-tenu des tempêtes importantes et des vents assez forts l’hiver.
Les maisons sont bien entretenues. Peintures vives et gazon soigné. Il y a un magasin qui vend des tondeuses à gazon sur l’île 🙂
L’église se situe le plus loin de la mer, à l’arrière du village. Elle a des fondations en pierre granitiques, mais sa structure est entièrement en bois, comme pratiquement toutes les églises anciennes de Norvège. Celle-ci date de deux siècles.
A côté se trouve le cimetière. Comme en Islande, les personnes sont enterrées directement dans la terre, caveau ni pierre tombale horizontale. L’orientation des tombes sont toutes dans le sens du cœur de l’église.
De retour dans le village, nous passons devant une autre maison en très bon état, repeinte et superbe.
Il y a un monument aux morts relatif à la seconde guerre mondiale. Les Norvégiens, une fois envahis par les Allemands, se sont défendus sans arrêt contre l’occupant. Le Roi Haakon VII ayant lancé le signal de la résistance, il y eût beaucoup de morts par représailles ou par des opérations qui ont mal tournées. Ce monument est à côté d’un kiosque à musique très décoré. Les fanfares et la musique ont une importance primordiale dans le folklore nordique.
De retour au débarcadère, j’embarque sur le ferry qui relie Melbu aux Lofoten. 20 minutes de traversées.
Le port de Melbu est en deux parties : le port de plaisance, à part, et le port commercial qui regroupe le débarcadère, et les usines de conditionnement de poissons.
Nous faisons route sur le Sigrid. Le temps s’améliore et le soleil pointe le bout de son nez 🙂
La profondeur entre les îles Vesterålen et Lofoten est importantes. Le marin m’indique qu’elle descend à plus de 1.000 m entre les deux îles. Les montagnes sous-marines émergent de l’eau et deviennent des îles, mais les vallées aquatiques existent bien.
Entre les deux îles, les couleurs, grâce au soleil, reprennent vie. L’eau est assez calme. Des voiliers sont visibles durant la traversée.
Un passager norvégien me raconte que durant la seconde guerre mondiale, les résistants coulaient les barges qui transportaient le minerai et l’eau lourde pour l’Allemagne de telle manière que le chargement tombe au milieu, au plus profond, afin qu’aucune tentative de récupération ne soit possible.
L’eau n’est pas franchement chaude. Les glaciers et neiges éternelles fondent et s’ajoutent à l’eau de mer. La nature et les densités des eaux respectives font que l’eau douce reste en surface et l’eau de mer en profondeur. C’est ainsi que l’eau dans les fjords et entre les îles peut sembler peu salée.
Nous approchons des Lofoten. Pour ceux qui ont lu les romans initiatiques de Serge Dalens, écrivain franc-comtois enterré à Malans, la Norvège et Swedenborg, cette principauté fictive, ont une place importante. Je me rappelle des dessins de Pierre Joubert qui illustraient à merveille cette saga lue dès mon adolescence. L’ambiance décrite dans les années 36-45 est bien celle, légèrement modifiée, que j’ai retrouvé dans les comportements et les us et coutumes encore bien ancrés.
La fonte des neige crée des cascades qui ornent les pentes abruptes des montagnes.
Je suis monté sur la passerelle du bateau. En regardant les montagnes enneigées et la mer, j’ai l’impression de faire partie d’une expédition en Antarctique, passant les îles Kergelen :p
Le ferry ralentit. Il entre dans la baie de l’île de Svolvær, première des Lofoten. Le vent faiblit, le froid est moins intense.
L’embarcadère semble désert. Pas un chat 🙂 La nature sauvage !
Nous débarquons. La nature semble généreuse : l’herbe est grasse, l’eau douce est là. Nous voyons un petit village d’éleveurs de moutons, dont la plupart sont encore tout petits. Cela fait très « petite maison dans la prairie » 🙂
Des maisons de bergers sont là. Habitées, mais silencieuses. Le berger semble être dans la montagne…
Reprenant la route vers l’Ouest, nous trouvons un petit village contigu à une pêcherie qui se situe au bord du bras de mer. Ces maisons un peu perdues dans cette grande île forment un quartier sans aucun commerce. Le premier village est Melbu à 20 minutes de ferry ou Svolvær à 20 minutes de voiture au sud de l’île.
Bien qu’isolées, ces maisons bénéficient d’un confort hors pair. Il faut savoir qu’en hiver, entre fin Novembre et début Février, le soleil ne se lève pas, et il y a au mieux quelques heures de luminosité faible aux alentours de midi. L’isolement insulaire et la position par-rapport au cercle polaire font que les gens bénéficient suffisamment de déductions fiscales pour rester ici et avoir un sweet home à la mesure des éléments naturels.
Dans ce petit village sans église et sans commerce, la population a aménagé un petit terrain de foot pour les enfants. En effet, être jeune Lofotonien pose des problème à l’âge des nouvelles technologies et du déplacement facilité. Le peu de circulation et l’isolement font que les enfants sont libres de vadrouiller sans risque, de pêcher au bord du fjord ou de se déplacer à vélo. Pour l’école, il y a des passages de bus, une petite cahute pour s’abriter du vent en les attendant. Les plus grands doivent prendre le ferry pour aller étudier sur l’île Vesterålen à Stokmaknes.
Au total, j’ai compté 9 villas dans ce petit concentré d’habitations autour de la pêcherie et de l’usine de transformation du poisson. J’apprends qu’il y a un petit magasin d’alimentation au sein même de l’usine et développé par la société qui l’exploite. Il est réservé aux seules familles des employés et les prix sont subventionnés par la société afin de faciliter l’approvisionnement des familles. Celles qui ont besoin de quelque chose de particulier peuvent le commander et la marchandise, selon la provenance, peut être acheminée dès le lendemain.
L’usine est ultra moderne. On sent toute la puissance de la société norvégienne à développer durablement une activité insérée socialement et économiquement. Rien ne semble avoir été laissé au hasard. Chaque grande île possède son aérodrome (piste de 900 m), son hôpital, ses services publics. On ne rapatrie pas tout dans la plus grande ville du coin pour faire des économies, au contraire. On considère que l’implantation locale est une force en Norvège, car les productifs sont ceux qui mouillent la chemise sur les plate-forme pétrolière, ou dans ces lieux de pêche. L’état et le Roi semblent très à l’écoute des forces vives 🙂
Le temps s’est nettement amélioré. Les couleurs reprennent du contraste et le bleu de la mer redevient celui que l’on aime.
Dans les îles Lofoten, chaque famille a son sauna et son bateau. La pêche et les ballades en mer sont les hobbies préférés des norvégiens, et c’est à cette saison sans nuit et les moins fraîches qu’ils profitent au maximum des possibilités de s’évader.
Je reviens vers le débarcadère et attends le prochain ferry pour revenir au village de Melbu et à l’hôtel. Cette plongée dans la Norvège profonde est rassurante : La campagne peut être accueillante lorsque un certain nombre de choix sociaux sont faits. Je me rends bien compte que la volonté politique d’un pays peut vraiment changer le quotidien des gens, à condition de se préoccuper des attentes réelles de ces derniers.
Quelques nuages d’altitude, des Alto-Cumulus, font leur apparition. Le ferry part avec peu de monde. Il est 19h00 heure locale, et il est temps d’aller manger. Les restaurants ferment vers 20h00 aux Lofoten car la population soupe vers 18h30.
L’intérieur du ferry est aménagé. Il y a un kiosque pour acheter boissons et nourritures, journaux et cigarettes (bien qu’il soit interdit de fumer à l’intérieur du bateau).
Je rentre à l’hôtel, soupe et prépare les deux legs de demain qui seront longs : Nous allons à Stockholm, la capitale de la Suède !